MATHÉMATIQUES

ÉTAT DE LA DISCIPLINE






avril 2002




Sommaire

Les contenus des programmes




Si les contenus ne suffisent pas à rendre compte d’un enseignement, ils en fixent cependant l’orientation générale et les limites. Ils correspondent en premier lieu à un choix de domaines à étudier.

La procédure prévue pour la rédaction des contenus de programme en mathématiques devrait a priori fournir toute garantie : un Conseil National des Programmes (CNP) dont les ressources propres sont renforcées par une commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques 1qui l’informe et l’éclaire, un groupe d’experts qui répond à une lettre de cadrage du CNP, voilà le début du processus de conception, poursuivi par un dispositif de consultation et d’éventuelles reprises.

Ces dernières années, l’organisation mise en place n’a pas correctement fonctionné. Les diverses demandes émanant de la société, de la communauté scientifique ou des instances politiques n'ont pas abouti à une synthèse satisfaisante pour les diverses parties engagées. Il n’a été tenu compte ni de l’état des lieux, ni de la prospective, ni des comparaisons internationales.


D’une façon générale, les contenus «officiels » déclinés dans les programmes de mathématiques sont rédigés sous la forme d’une liste non ordonnée de notions ou de méthodes dont il est très difficile d’extraire les objectifs de formation. Ces derniers, d’ailleurs, apparaissent une fois pour toutes dans un «chapeau » introductif avant le texte lui-même, et ne se retrouvent pas dans l’énoncé des contenus. Les chapeaux sont censés, selon leurs auteurs, donner un éclairage préparatoire à une lecture pertinente des items, mais ils sont perçus par les enseignants comme une loi du genre, au discours convenu sans réelle autorité.


Notre attention s'est portée principalement sur les programmes du lycée dans la mesure où ils sont en cours de rénovation.


Une étude de l’évolution de leurs contenus, c’est à dire des objets et des méthodes étudiés, entre les années 1980 et 2000 met en relief les points suivants :


Parmi les grands traits de l’économie générale des contenus actuels, toutes séries et niveaux confondus des programmes en vigueur à la rentrée 2001, on peut citer les suivants :


En conclusion, les contenus actuels sont le résultat d’une grande érosion, tant du point de vue des modèles introduits et étudiés, que de la capacité à généraliser, à construire, et à porter sur les situations un regard mathématique.

Leur mise en œuvre étant incitative et leurs limites fixées, les contenus de programme entraînent des pratiques. A l’heure actuelle, il n’est pas exagéré de dire qu’elles conduisent à écarter la plupart des élèves de la réalité des mathématiques. En effet, seuls ceux qui sont incités à travailler en dehors de la classe, ceux à qui des problèmes sont posés et dont on suit le travail, ceux à qui on conseille des lectures reçoivent un enseignement mathématique véritable.


CLASSE DE SECONDE: comparaison 1981 - 2000

RENTREE 1981

RENTREE 2000

Activités numériques

Valeur absolue.

Approximation d’un réel au moyen d’une suite.




Nombres: notations N, Z, D, Q, R.

Les nombres dans une calculatrice.

Nombres premiers.

Ordre des nombres.


Statistiques
Fréquences, Moyennes.

Statistiques

Moyenne, médiane, classe modale.

Dispersion: étendue.

Distribution des fréquences.

Simulation et fluctuation d’échantillonnage.


Fonctions

Sens de variation, parité, périodicité.

x~~>ax+b ; |x| ; x2 ; x 3 ;x 4 ; . 1/x


Fonctions trigonométriques.

Etude au voisinage de 0, notion de majoration.

x->(1+x); (1+x)3 ;  ;


Fonctions

Moins de fonctions de référence.

Plus de réflexion sur l’écriture algébrique.

(changement de forme)

Géométrie plane

(repérage, multiplication d’un vecteur par un réel sont vus en collège)

Homothétie.

Barycentre (jusqu’à 4 points).

Géométrie plane

Repérage.

Multiplication d’un vecteur par un réel.



Révisions du collège.

Triangles isométriques.

Triangles de même forme.


Produit scalaire

Définition, propriétés.

Equation du cercle.

Lignes de niveau.



(partie supprimée)

Angles et rotations

Cercles, tangentes. Convexité du disque.

Angles inscrits, angle au centre.

Rotations.



(partie supprimée)

Géométrie dans l’espace

Incidence, parallélisme.

Orthogonalité, symétrie par rapport à un plan.

Projections. Repères.

Calculs de distances, aires, volumes.


Géométrie dans l’espace

Incidence.

Orthogonalité d’une droite et d’un plan.

Equations et systèmes

Jusqu’à 4 inconnues.

Equations et systèmes

Systèmes linéaires 2 2.

TERMINALES SCIENTIFIQUES EN 1980 ET 2000

1980 TERMINALE C


Combinatoire. Statistique.

Droites de régression. Inertie d’un nuage.

2000 TERMINALE S + Spécialité


Combinatoire et probabilités

Variables aléatoire.

Probabilités conditionnelles.


Suites numériques

Théorèmes admis sur convergence et divergence.

Suites récurrentes jusqu’à :

un+1= a un + bun –1

et un +1 – un = P (n)


Suites numériques




Il reste

Fonctions numériques,

Compléments sur continuité et limites (vus en première) .

Dérivée des fonctions composées, d’une fonction réciproque.
Dérivées successives. Notion de dérivées partielles.

Fonctions logarithme et exponentielle et leurs croissances comparées.

Développements limités jusqu’à l’ordre 3.

Accroissements finis.


Fonctions numériques,

La continuité est hors programme.

La notion de fonction réciproque est hors programme.



Fonction logarithme et exponentielle.



Plus de développements limités


Calcul intégral.

Calcul d’aires (exact, approché)

Equations différentielles linéaires à coefficient. constants du premier et du second ordre


Calcul intégral.

Inchangé

Il reste

Fonctions vectorielles - cinématique.

Dérivée d’une somme, d’un produit scalaire, d’un

Produit vectoriel.

Courbes paramétrées.

Etude des mouvements classiques.


Fonctions vectorielles - cinématique.



Courbes paramétrées.

Algèbre linéaire

Opérations dans Rn, base canonique.

Sous espace vectoriel engendré.

Lien application linéaire – matrice.

Théorème de la base incomplète.

Résolutions de systèmes.

Espaces vectoriels de dimension finie.


Algèbre linéaire





Résolution de systèmes.

Nombres complexes

Linéarisation des polynômes trigonométriques.


Racines n-ièmes de l’unité.

Equation du second degré dans C.

Nombres complexes

Les racines nièmes sont hors programme.



Equation du second degré à coefficients réels


Géométrie

Calcul barycentrique (plan et espace).

Les isométries sont des applications affines qui

conservent le produit scalaire.

Groupe des déplacements. Antidéplacements.

Groupe des similitudes directes.

Lien avec les nombres complexes.


Coniques (aspect géométrique et analytique).


Dans l’espace: groupe des rotations d’axe donné.





Composition de transformations; réciproque.

Aucune connaissance sur les groupes.


Aucune connaissance n'est exigée à propos des coniques.


Pas de transformations dans l’espace.


Les programmes de 2001-2002 pour le cycle terminal

Ces nouveaux programmes proposent un nouvel abord et un nouvel éclairage sur certains des points abordés en analyse.

En classe de première, on donne une définition de la limite d’une suite, prolongée par la définition de la limite d’une fonction en un point et de la continuité en terminale. Ces définitions ne seront pas exploitées dans le cours.

L’intégrale est introduite à partir de l’aire sous la courbe, et l’exponentielle est introduite par l’équation différentielle, au travers d'une étude approchée et de la modélisation de la désintégration radioactive. Une application modeste de l’intégrale apparaît dans l’étude des lois de probabilité à densité. En revanche, les équations différentielles linéaires du second ordre ne sont plus étudiées.

Les contenus relatifs à la géométrie sont appauvris par rapport à ceux du programme précédent, la géométrie plane est maintenant incluse dans le paragraphe « nombres complexes ». Aucune étude des transformations dans l’espace n'apparaît.

Le programme de spécialité rajoute un peu d’arithmétique et l’étude des similitudes planes, ainsi qu'une présentation qualitative des lignes de niveau de certaines quadriques (dans laquelle on ne pourra reconnaître des coniques, puisque celles-ci sont absentes des programmes).

En probabilités et statistiques est prévue une initiation à la statistique inférentielle, au travers de l'usage de la loi du chi-deux, ceci restant au niveau de l'observation.


Il y a discordance entre les objectifs annoncés, souvent ambitieux sur le fond ("la problématique des équations différentielles") ou sur le niveau attendu ("une bonne maîtrise des fonctions classiques") …

… et la réalité du texte ("la méthode d'Euler [..] donne l'idée que l'exponentielle est l'analogue continu de la notion de suite géométrique") ou celle des exigences ("l'étude des suites ou des fonctions sera motivée par la résolution de problèmes: elle n'est pas une fin en soi").


Les pratiques de classe

Les mathématiques dans l’établissement

Les services et les emplois du temps

Au niveau du collège, dans le cadre des horaires modulables à partir d’un horaire plancher, nous constatons une grande diversité d’un établissement à l’autre, selon la priorité retenue par le collège. Cette différence, qui peut être d’une heure par semaine au cycle central et en troisième ajoute encore à la diversité de niveau des élèves accueillis en sixième, et vient creuser l'écart entre les niveaux de sortie des divers collèges. Enfin les remontées de la rentrée 2001 nous indiquent que les mesures spécifiques prévues pour la sixième sont peu appliquées, ce qui se traduit en particulier souvent par la suppression de la remise à niveau en mathématiques.

La pénurie de professeurs de mathématiques (le recrutement des personnels précaires, contractuels ou vacataires reste à un niveau élevé) et les nouvelles règles concernant les heures supplémentaires conduisent dans un nombre significatif de cas à partager entre deux enseignants un service de mathématiques.

Ce fait indique que la répartition des services entre les enseignants ne répond pas toujours à des impératifs pédagogiques, et il faut noter à ce sujet que les dispositifs de remédiation (remise à niveau, aide individualisée) sont souvent confiés à des débutants.

Pour garder toute la souplesse qui fait leur spécificité, il serait souhaitable que les séances de module soient placées dans des plages horaires libres a priori ou à la rigueur soient mises en parallèle avec d’autres modules. Malheureusement, les impératifs d’organisation de l’emploi du temps du lycée conduisent souvent à les placer en parallèle avec des options ce qui rend impossible l'organisation des groupes de besoin à effectifs variables, fondement de l'idée d'enseignement modulaire.

Les demandes fréquemment exprimées par les enseignants de disposer d’un créneau de deux heures consécutives pour les évaluations diminuent, lorsqu'elles sont prises en compte, la fréquence des jours de la semaine « où il y a mathématiques ». Ainsi, dans certaines classes, tout l’enseignement de mathématiques se déroule sur deux jours, ce qui nuit bien sûr à la nécessaire continuité de l’effort demandé aux élèves.

Les équipes de mathématiques

Contrairement à leurs collègues de sciences expérimentales, les enseignants de mathématiques ne disposent pas dans l’établissement, sauf exception, de lieu réservé à leur discipline. Le travail d’équipe commence en général par l’instauration de devoirs communs à un niveau, qui nécessitent une réflexion commune sur la progression et les exigences. Il va rarement au delà.

La fonction des conseils d’enseignement se limite le plus souvent au choix des manuels et à des propositions de répartition des services.

La documentation

Nous nous contenterons de répéter ce qu’a mis en évidence notre thème d’étude de l’année 1997-1998 : massivement les professeurs de mathématiques sont absents des CDI et la documentation à caractère mathématique est très pauvre dans les établissements. Les quelques progrès enregistrés en ce domaine cette année dans des lycées proviennent de la mise en place des TPE.

Les relations avec les autres disciplines

Celles-ci peuvent se comprendre à plusieurs niveaux :

La gestion du cours

La mise en activité des élèves

Les programmes de mathématiques mettent l’accent, depuis de nombreuses années, sur le rô1e essentiel de la mise en activité de l’élève et du choix de situations de recherche et de découverte devant permettre une meilleure assimilation des notions. Pour être efficace, une activité devrait s’appuyer sur une mobilisation de connaissances antérieures et permettre la mise en place et la structuration de nouvelles connaissances ; elle devrait alterner les périodes de recherche et d’initiative individuelles et les mises en commun, préludes à l’institutionnalisation finale.

Le cours magistral est en voie de disparition. Les professeurs de mathématiques tentent avec plus ou moins de réussite de s'appuyer sur l’activité des élèves. Or, pour être efficace, une activité doit être bien adaptée à l’apprentissage visé, bien scénarisée et bien jouée. Trop d’enseignants se contentent de prendre une activité préparatoire présente dans le manuel et de la proposer aux élèves comme ils poseraient n’importe quel exercice. Dans d’autres cas, rencontrés surtout au collège, le support de l’activité est une « feuille à trous » laissant peu de place à l’initiative et à la recherche.

Les enseignants ont beaucoup de mal à faire entrer dans une heure de cours les trois phases d’un apprentissage par l'étude active d'un problème:

La place de la démonstration

En raison de l'évolution de la lecture des programmes et grâce au travail sur le terrain des corps d’inspection pédagogique, nous assistons à un retour de la démonstration dans les cours de mathématiques. C’est particulièrement net au collège à partir de la classe de cinquième. Il est regrettable que ces démonstrations, en général proposées dans des activités, ne fassent pas plus souvent l’objet d’une institutionnalisation dans le cahier de cours (à la suite de l’énoncé des propriétés) : ainsi le « cahier de cours » est presque toujours un simple aide-mémoire contenant l’énoncé des définitions et des propriétés et l’élève, quand il apprend son cours, se contente de mémoriser un catalogue d’énoncés.

Notons que, comme nous pouvons le constater lors de l’épreuve orale du CAPES interne (épreuve sur dossier), certains enseignants ignorent eux-mêmes les démonstrations des propriétés qu’ils doivent enseigner.

Les travaux écrits

Dans ce domaine aussi, le travail de fond mené par l'inspection sur le terrain en s’appuyant sur la note du groupe de mathématiques de l’Inspection générale (dont le texte est maintenant présent sur le site Eduscol), commence à porter ses fruits. Certes, des résistances au « devoir hebdomadaire de mathématiques » subsistent mais les progrès sont sensibles. En revanche, l’abus des devoirs de contrôle en temps limité, motivé en particulier par la pression de familles ou d'élèves avides de notes, continue d’amputer au détriment de la formation les horaires de mathématiques. Quelques établissements permettent l’organisation de devoirs surveillés en dehors des heures de cours. Ce genre de dispositif, à condition de garder le nombre d'heures ainsi ajoutées dans les limites acceptables, devrait être encouragé.

L’usage du manuel

Depuis notre contribution au rapport de Dominique Borne sur les manuels scolaires (1997), on constate une certaine évolution. Nous avons pu noter chez certains éditeurs un effort de renouvellement à l’occasion de la mise en place des nouveaux programmes de collège et de lycée. Sous la plume de nouvelles équipes, parfois coordonnées par des chercheurs des IREM ou des IA-IPR, certains manuels ont fait un effort important de renouvellement en intégrant l’usage en mathématiques des logiciels, en mettant en bonne place la démonstration, en donnant des ouvertures sur les applications et les autres disciplines.


Évolutions et résistances

L’utilisation des TICE

Les nouveaux programmes de collège et de lycée insistent sur la nécessité de l’utilisation des calculatrices et des logiciels en mathématiques. Par ailleurs, la note de cadrage sur l’utilisation des TICE en mathématiques, élaborée par le groupe des mathématiques de l’Inspection générale, est largement diffusée et figure, en particulier, sur le site Eduscol. Cette note détaille les objectifs de l’utilisation et en donne une typologie. Elle sert de texte de référence pour les animations pédagogiques assurées par l'inspection dans le cadre de l’accompagnement des nouveaux programmes. Elle permet aussi de guider, pour la discipline, les demandes d’équipement (micro-ordinateurs dans les classes, vidéoprojecteurs, types de logiciels).

En face de ces exigences, la réalité du terrain est contrastée. Si la quasi totalité des lycées sont convenablement équipés, beaucoup de collèges ont un équipement soit insuffisant, soit réservé dans les faits à l’enseignement de la technologie.

Voici un exemple illustrant les difficultés actuelles. Dans un certain nombre de lycées, les professeurs enseignant le cours de mathématiques et informatique de première L ont négligé l’utilisation du tableur dans les parties du programme qui la requéraient (ces parties représentant en gros la moitié de l'année scolaire). Les élèves s'en trouvaient en conséquence pénalisés lors de l'épreuve anticipée du baccalauréat, qui comprenait légitimement des questions portant sur ce domaine. Il y a même eu plainte de certains parents devant le tribunal administratif.

En mathématiques, comme dans d’autres disciplines, la moitié des enseignants est à moins de dix ans de la retraite, ce qui n’est pas a priori un facteur de dynamisme. Dans de nombreux établissements cependant, sous l’impulsion de professeurs convaincus soutenus par les corps d'inspection, la situation évolue favorablement. Nous avons décidé que la qualité de l’investissement des enseignants dans l'utilisation des TICE serait désormais un élément obligatoire et important de l’évaluation individuelle des professeurs.

Les mathématiques et les TPE

La plupart des enseignants n'étaient pas préparés à l'introduction des TPE. Ceux de certaines disciplines, grâce aux formes d’activité officiellement proposées (études sur dossier, travaux pratiques, rédaction de mémoires, utilisation de l’Internet), avaient une culture proche de l’esprit des TPE : il ne leur manquait que l’interdisciplinarité. Les professeurs de mathématiques n’avaient pas cette culture et se sont sentis fragilisés par un nouveau type d’activité qu’ils ne dominaient pas. Dans de très nombreux établissements, ils ne se sont pas portés volontaires pour l’encadrement des TPE ou, quand ils l’ont fait, n’ont pas su toujours trouver la place de la discipline dans les travaux des élèves. Le travail d’animation pédagogique entrepris depuis un an et demi par les équipes d’IA-IPR de mathématiques et coordonné par l’Inspection générale devrait à l’avenir porter ses fruits : force est de constater que pour l’instant les résultats sont plutôt maigres. Dans de trop nombreux lycées, les professeurs de mathématiques sont purement et simplement absents de l’encadrement des TPE.



Remédiation et gestion de l’hétérogénéité



Les mathématiques, avec le français, sont les deux disciplines où les dispositifs de remédiation et de traitement de l’hétérogénéité sont les plus développés : évaluation sixième, dispositifs de soutien de toutes sortes au collège, évaluation seconde, modules, aide individualisée au lycée. Ces dispositifs ont été et sont accompagnés de nombreuses réflexions au niveau national ; citons par exemple un groupe qui travaille depuis plusieurs années sur l’enseignement des mathématiques en ZEP/REP ou les groupes nationaux qui travaillent sur les évaluations sixième et seconde. Les travaux de ces groupes fournissent des outils et des propositions en termes de remédiation. Cependant nous ne pouvons pas dire actuellement qu’il y a, en mathématiques, des avancées remarquables dans le domaine de la remédiation et du traitement de l’hétérogénéité. Il semble que, mis à part quelques rares initiatives, individuelles ou intégrées dans le projet de l’établissement, les pratiques pédagogiques des professeurs de mathématiques n'aient guère évolué.

L’évaluation à l’entrée en sixième est mise en place par pratiquement l’ensemble des professeurs de mathématiques. Les résultats sont utilisés de manière globale, pour situer les lacunes des élèves. Les professeurs utilisent cette évaluation pour avoir une première photographie de la classe ou pour conforter l’idée qu’ils s’en font. Ils en déduisent aussi des pistes pour faire des révisions. Ils proposent une aide aux élèves en difficulté3, mais il peut y avoir dérive, cette aide consistant en des activités de remédiation qui sont plutôt des réexplications et des exercices répétitifs. Un dispositif fréquemment rencontré, mais cela est variable suivant les académies , est la constitution de groupes de niveau. Pour être efficaces, de tels dispositifs supposent un travail en équipe important.

D’une manière générale, au collège comme au lycée, et notamment en seconde, les enseignants ont parfois du mal à faire la part entre les difficultés qui sont « normales » dans l’apprentissage d’une nouvelle notion et les difficultés plus profondes ou spécifiques à tel ou tel élève. Malgré les outils dont disposent les enseignants, comme par exemple les cahiers d’évaluation, le repérage des élèves globalement en difficulté ou en difficulté sur des points particuliers (méthodes de travail, relation au travail, lacunes dans les connaissances indispensables pour suivre avec profit l’enseignement d’une nouvelle notion) reste un point délicat.

Les modules

Les horaires actuels de la classe de seconde ne comportent plus de travaux dirigés, mais une heure et demie de module; ceci conduit certains enseignants à proposer durant les temps de travail en demi-classe, tantôt des activités propres aux heures de module (sens des notions, erreurs d’élèves, remédiation ), tantôt des activités propres aux heures de travaux dirigés (entraînement aux techniques apprises dans le cours, approfondissements ou prolongements), un point commun restant le caractère plus individualisé du travail et du suivi que rend possible la diminution de l'effectif. Notons sur ce point la persistance dans certains cas d'une utilisation inadaptée de la division en groupes, sous la forme d'une simple répétition de la même séquence sans réel souci d'adaptation à chacun.

L’aide individualisée

Dans leur grande majorité, les enseignants s’intéressent aux élèves en difficulté pour lesquels ils font du "rattrapage-soutien", et certains d’entre eux ont compris qu’il fallait s’intéresser pendant un temps limité à des difficultés bien ciblées. C'est ainsi que, assez rapidement, l'aide individualisée se trouve proposée ou imposée à ceux dont les professeurs estiment "qu’un peu plus de mathématiques" devrait leur permettre de pallier des faiblesses ponctuelles.

On rencontre dans certaines classes des pratiques intéressantes et originales de remédiation à l'occasion des heures d'aide individualisée; au reste, la réflexion était bien engagée au moment de l’introduction de l’aide individualisée en classe de seconde et aurait pu avoir des retombées intéressantes au collège ; certaines dérives ou insuffisances auraient pu être corrigées après un an de fonctionnement. Mais la mise en place des travaux personnels encadrés l’année suivante a mobilisé les énergies dans une direction nouvelle et les anciennes routines semblent avoir repris le pas.

Il est significatif de remarquer à ce sujet que les actions de formation continue portant sur l’aide individualisée n'attirent pas beaucoup les enseignants.

La gestion de l’hétérogénéité et le travail personnel des élèves

Les dispositifs pédagogiques décrits précédemment viennent en complément d’une gestion plus large de l’hétérogénéité des élèves dans la pratique quotidienne. En particulier, le travail personnel demandé aux élèves soit pendant, soit en dehors du temps d’enseignement est un moyen classique et puissant qui permet de prendre en compte de manière diversifiées les besoins et les attentes des élèves. La note de l’Inspection générale « Les travaux écrits des élèves en mathématiques au collège et au lycée »4 fait de manière claire et précise le point sur ce sujet.


Les pratiques d’inspection

Quelques inspections ont lieu pendant les séances de modules, mais elles sont exceptionnelles en aide individualisée. Cela est dû en partie au fait que le manque de réflexion sur l’aide amène à une certaine réserve dans la critique et dans l’évaluation. L'évaluation des dispositifs de remédiation, et de l'aide individualisée en particulier, devrait pourtant aussi s'appuyer sur l'observation directe.


En conclusion

Les pratiques des professeurs de mathématiques dans le domaine de la remédiation ont peu évolué et les modalités d’inspection ne permettent pas de porter sur elles un jugement fin.


Il n'y a pas eu d'évaluation portant sur la manière et la mesure selon lesquelles les dédoublements de classe provoquent effectivement une diversification de l'enseignement, ainsi qu'une diversification du travail personnel demandé aux élèves.


Les efforts importants menés depuis plusieurs années, comparés à l'incertitude sur les résultats qui en découlent, doivent nous amener à nous interroger sur la pertinence des analyses et des stratégies choisies. On ne traite peut-être pas assez la motivation des élèves. Il serait opportun de relancer une réflexion au niveau national permettant d’analyser les manières dont sont utilisés ces différents dispositifs, de modifier les instructions les concernant et d’impulser de nouveau le pilotage et la formation au niveau national.

La formation initiale et continue


Le temps des présentations axiomatiques est révolu, et ne reviendra sans doute pas. Cela dit il paraît inadmissible et dangereux qu’un professeur de mathématiques ignore l’essentiel de la structure logique qui sous-tend son champ d’activité et justifie sa profonde singularité.5


On peut ajouter que l’ouverture sur les autres disciplines, et notamment sur la physique qui a de tout temps accompagné et stimulé les mathématiques dans leur développement, est de plus en plus indispensable.

Parmi les missions des enseignants figurent la transmission du savoir et la participation à l’éducation des élèves. Il n’est pas douteux que la maîtrise des contenus et de l’histoire de la discipline enseignée, et des connaissances solides dans les disciplines voisines, soient nécessaires pour la première de ces missions, et participent au fondement de l’autorité qui permet la seconde.

L’enseignement se fait, faut-il le dire, dans une classe. Savoir alterner les phases d’activité des élèves et d’institutionnalisation du savoir , choisir et diriger les travaux écrits de manière pertinente, donner des méthodes de travail, maintenir dans la classe le calme propice au travail sont des qualités nécessaires à tout enseignant.

Par ailleurs, la calculatrice et l’ordinateur apportent des modifications dans la pratique et l’enseignement des mathématiques. Ces dernières deviennent en partie une science expérimentale, en cela que les possibilités de visualisation, d’observation et de simulation sont devenues, grâce à l’ordinateur, considérables. Les logiciels graphiques et de calcul formel devraient permettre d’alléger la part des tâches de routine dans l’enseignement, pour se concentrer sur les concepts. Le traitement de texte, enfin, doit conduire à améliorer la qualité des documents mis à la disposition des élèves.

Les considérations qui précèdent conduisent à évaluer la formation6 des professeurs de mathématiques selon quatre critères : maîtrise épistémologique de la discipline, vision globale de la culture scientifique, maîtrise des TICE, formation didactique et pédagogique.

La formation initiale

Scientifique

Les études universitaires

Trois ou quatre ans après le baccalauréat, les titulaires d’une licence ou d’une maîtrise ont accumulé un certain nombre de savoirs, souvent morcelés. Cela fait longtemps que les certificats de physique ont disparu de la licence de mathématiques, en même temps que la licence d’enseignement, ce que l’on peut regretter. L’histoire de la discipline est négligée, ainsi que des pans entiers des mathématiques figurant au programme de l’enseignement secondaire (statistique, géométrie, algorithmique etc.). Et le rejet du bourbakisme semble avoir conduit à jeter le bébé des fondements de la discipline avec l’eau du bain des structures et de l’axiomatique.

Les concours externes

Ces concours font l’objet d’une préparation spécifique ; on pourrait souhaiter que cette préparation conduise à un approfondissement de la discipline et en même temps à une vision plus large de la science qui l’entoure.

L’agrégation

La préparation est assurée en général par les universités. Elle comporte un entraînement aux longs problèmes de l’écrit. Pour les deux premières épreuves d’oral (algèbre et analyse) un certain nombre de leçons d’oral sont préparées par les candidats et présentées devant leurs camarades et un formateur, et des cours complémentaires sont assurés, destinés à compléter les cours de maîtrise et à fournir des exemples pour les leçons.


À l’arrivée, on constate que les prestations orales des candidats sont le plus souvent, et même pour les meilleures d’entre elles, très académiques. On ne peut certes pas exiger des jeunes candidats une réflexion très originale sur la discipline, mais on peut souhaiter des plans moins stéréotypés et une meilleure mise en relation des concepts.


L’introduction de la troisième épreuve orale de modélisation porte en elle un espoir d’ouverture vers le monde scientifique extérieur aux mathématiques et vers les TICE. Cependant, les effets en retour sur l’enseignement en licence et en maîtrise sont encore insuffisants, et l’épreuve n’a pas encore atteint sa pleine maturité.


Ces dernières années, un phénomène est venu accentuer la superficialité de la prestation orale moyenne : beaucoup de candidats parmi les mieux classés à l’écrit, qui se présentent à l’agrégation juste après la maîtrise pour pouvoir se consacrer plus vite à la recherche, passent l’oral presque sans préparation.

Le CAPES


La préparation à l’écrit du CAPES est majoritairement assurée par l’université ; cependant 59% des reçus sont inscrits en IUFM. Il semble que l’essentiel de la formation en IUFM porte sur l’oral. La spécificité de l’épreuve sur dossier demande d’y consacrer un effort important pendant un an, à tel point que l’on constate que les candidats qui préparent en même temps une maîtrise, voire l’agrégation, obtiennent des résultats nettement moins bons.

Il faut remarquer, a contrario, que 69% des reçus au CAPES en 2001 ont une maîtrise, 7% ont suivi des études de troisième cycle, 2,5% sont ingénieurs.

On constate, à l’écrit comme à l’oral, que beaucoup de candidats maîtrisent mal certains concepts de base, notamment en algèbre linéaire et en géométrie.

Le programme d’oral est fondé sur les programmes en vigueur dans l’enseignement secondaire. Il s’en suit que la plupart des candidats préparent l’oral en utilisant les manuels scolaires, dans lesquels la réflexion sur les contenus, les définitions précises et les théorèmes démontrés sont rares.

La seconde année d’IUFM pourrait être le moment du nécessaire approfondissement et de la réflexion sur les contenus. Ce n’est que trop rarement7 le cas.

La formation pédagogique

L’IUFM

De l’avis général des IA-IPR, la formation pédagogique délivrée en IUFM est de bonne qualité. Les futurs enseignants arrivent en stage bien mieux préparés que par le passé à affronter une classe ; ce constat est d’autant plus encourageant que les classes confiées aux stagiaires ne sont pas toujours les plus faciles.

L’année de stage

Même si la répartition géographique des stagiaires ne coïncide pas toujours avec celle des bons tuteurs, même si, pour les agrégés, la proportion de refus définitifs à l’issue de deux années de stage est beaucoup plus élevée en mathématiques que dans les autres disciplines (toutefois sans dépasser 2%), on peut dire que le stage assure dans une grande majorité des cas une formation pédagogique satisfaisante.

Les TICE

La manière dont les étudiants rencontrent l’ordinateur pendant leurs études universitaires varie du « très léger » au « raisonnable ».


L’initiation au tableur et aux logiciels de géométrie faite en deuxième année d’IUFM est considérée, dans l’ensemble, comme efficace.

En revanche, l’initiation à l’algorithmique semble absente dans la plupart des cas.

La formation continue

L’auto-formation

Les IREM8

La réflexion sur la formation continue des enseignants de mathématiques, lancée en 1960 par l’APMEP (charte dite « de Chambéry ») devait aboutir à partir de 1968 à la création des IREM.

Dotés à leur création de moyens importants, les IREM ont joué un rôle crucial :

Restés proches des MAFPEN dans les années 80, ils sont en revanche demeurés à l’écart des IUFM dans les années 90, et disposent actuellement de moins en moins de moyens. Ils restent toutefois une pépinière de formateurs, et dans la plupart des académies , ce sont souvent les mêmes personnes que l'on retrouve comme membres de l’IREM, formateurs IUFM en mathématiques ou membres actifs de l’APMEP. À la différence des IUFM, les IREM mènent souvent des recherches qui ne sont pas directement liées aux programmes en vigueur, ce qui leur donne des facultés d'anticipation et leur a notamment permis de ne pas être pris au dépourvu lors de l’introduction des nouveaux programmes de statistique en seconde, ou des TPE en première.

Cependant, malgré leur rôle de ferment, le déclin financier des IREM fait qu’ils ne peuvent plus être considérés comme un moyen de formation stricto sensu et qu’il leur devient même de plus en plus difficile d’assurer la formation des formateurs et de recruter de nouveaux participants.

La lecture

La question rituelle des inspecteurs lors de entretiens avec les professeurs : « Quels livres de mathématiques avez-vous lus récemment ? » n’amène le plus souvent en réponse qu’un silence gêné.

Ce manque de curiosité pour la discipline des professeurs de mathématiques apparaît de manière flagrante dans la pauvreté abyssale du rayon « mathématiques » des CDI.

Le nivellement par le manuel9

Dans un monde idéal, le professeur de mathématiques devrait construire son cours, en utilisant ses connaissances et les ouvrages de sa bibliothèque, à la lecture des programmes ; le manuel devrait permettre à ses élèves de trouver un autre éclairage sur le cours.

Dans la réalité, l’enseignant construit son cours à partir d’un manuel – de préférence pas celui utilisé par les élèves. Tandis que les élèves, dans l’immense majorité des cas, n’utilisent le manuel que pour faire les exercices prescrits par leur professeur.

La formation institutionnelle

Le passage de la MAFPEN à l’IUFM

Ce passage s’est fait de manière inégale selon les académies ; comme indiqué plus haut, les formateurs sont souvent restés les mêmes.

Pilotage par l’offre ou pilotage par la demande ?

On constate souvent que les IUFM éprouvent une certaine difficulté à proposer rapidement des formations adaptées aux modifications de programme, la tendance naturelle étant de proposer « les formations qu’on sait faire » souvent déconnectées de l’évolution des contenus de l’enseignement..

Public volontaire ou public désigné ?

Dans beaucoup d’académies, ce sont toujours les mêmes professeurs qui s’inscrivent aux stages de formation. C’est pourquoi il semble plus efficace – comme on l’a fait par exemple en matière de TICE dans l’académie de Poitiers – de « désigner les volontaires ».

Problèmes d’organisation

Le bon fonctionnement des PAF demanderait dans certains cas :

La circulaire Allègre sur le temps de formation10

La circulaire Allègre et des difficultés faites par certains chefs d’établissement au départ de leurs professeurs n’ont gêné que modérément les convaincus mais ont donné des prétextes aux tièdes.



Les concours internes

L’agrégation interne

Initialement conçue pour récompenser un effort de formation d’enseignants en milieu de carrière, l’agrégation interne de mathématiques est de plus en plus utilisée (72% de lauréats 2001 avaient moins de 35 ans) par de jeunes professeurs titulaires du CAPES depuis à peine plus de 5 ans – ce qui, avec le service national et le stage, peut leur donner une durée d’enseignement effectif de seulement 3 ans – pour obtenir au meilleur compte le grade d’agrégé.

Il s’agit là d’un vrai problème, car cela risque de décourager l’effort de remise à niveau que faisaient les enseignants se portant candidats en milieu de carrière.

Il est impossible, pour des raisons réglementaires, de rendre plus sévères les conditions d’âge des candidats. Tout devrait être fait, en revanche, pour inciter les professeurs chevronnés à présenter le concours, et pour leur en faciliter la préparation.

Les autres modes de recrutement

Il est question des concours ayant pour but la titularisation de personnels auxiliaires ou contractuels. La population en cause est extrêmement hétérogène, mais on peut distinguer sommairement deux profils-type:

Pour obtenir le meilleur service de ces personnels, et pour améliorer du mieux qu'il est possible leur niveau de formation, on pourrait envisager à l’avenir le dispositif suivant :

Les examens



L’élaboration des sujets

Un problème majeur est le nombre et la variété des examens qui portent sur la discipline mathématique; présente à peu près partout, elle donne lieu à l’élaboration de sujets d’examens très divers au moins par la forme et le programme dans lesquels ils s’insèrent.


Par exemple, cette année, 142 sujets de baccalauréat professionnel seront produits dans la matière "mathématiques–sciences" et comporteront tous une partie mathématique. Pour le baccalauréat de la voie générale, une centaine de sujets seront produits. Les travaux afférents à cette production mobilisent une part importante du temps de travail des corps d’inspection, déjà signalée (voir le rapport sur les charges de travail des inspecteurs territoriaux). La discipline mathématique se caractérise par l’accumulation des difficultés de mise au point : les textes sont ordinairement assez longs et comprennent de nombreuses formules, aussi obtenir la perfection finale du texte produit est chaque fois une gageure si l’on considère qu’un seul caractère faux peut entraîner des contestations parfois graves.

Il découle de des délais importants de saisie, de mise en forme finale et de vérification minutieuse auxquels les personnels des directions académiques des examens apportent il est vrai un concours important. La lourdeur du travail imposé à ces personnels, ainsi que le stress qu'ils subissent en permanence, sont une des causes de leur rotation le plus souvent rapide, tellement rapide que l'on bénéficie trop rarement de l'expérience accumulée, et que les inspecteurs doivent fort régulièrement se muer en formateurs pour obtenir un travail dont la qualité reste au niveau exigé.


Toute mesure ayant pour effet de limiter le nombre des sujets donnés chaque année est donc favorable au bon fonctionnement, et de l’évaluation, et du système éducatif dans son ensemble. A cet égard, le travail de regroupement réalisé depuis quelques années pour les BTS est exemplaire.

Les contenus évalués

On peut tenter de distinguer deux sortes de compétences attendues à l’examen. Nous appellerons compétences opératoires celles qui se limitent à la manipulation d’objets du programme à l’intérieur de règles supposées connues, et selon des algorithmes également connus (étude des variations d’une fonction, tracé de courbes, développement ou simplification d’expressions, calculs algébriques, etc…). L’intérêt de l’évaluation de ces compétences est régulièrement remis en cause, notamment du fait du développement des aides au calcul sous toutes leurs formes, calculatrices ou ordinateurs, ce qui provoque un débat permanent sur leur obsolescence supposée. Nous appellerons compétences analytiques celles qui mettent en jeu une pensée complexe, faite d’enchaînements logiques ne répétant pas nécessairement ou pas exactement ceux auxquels l’élève a déjà été entraîné: analogie entre des objets ou situations apparemment diverses, regard critique sur les résultats obtenus, recherche de liens cachés ou peu apparents, raisonnements composés de plusieurs étapes dont chacune n’est pas évidente a priori.


L’évaluation des compétences analytiques est usuellement associée à la notion de problème , fait d’un enchaînement de questions aboutissant à un ou plusieurs résultats. Ce mode d’évaluation est actuellement en crise; on reproche aux problèmes d’être stéréotypés et tellement découpés qu’il ne reste guère de place à la réflexion personnelle du candidat. Dans les faits, il est vrai que l’immense majorité des sujets (problèmes ou exercices plus courts) se limite strictement à évaluer les compétences opératoires. La raison de ceci est qu’évaluer principalement et réellement les compétences analytiques entraînerait inéluctablement des résultats inutilisables parce que trop faibles ou trop parcellaires.

Les sujets sont donc construits de manière à ce que l’on n’y rencontre pas de surprise, et la question qui suit un calcul difficile comporte le plus souvent des indications permettant au candidat de vérifier aisément son travail (quand le résultat n’est pas purement et simplement donné). Ces précautions, non exigibles de droit, sont exigées de fait, puisque leur oubli provoque systématiquement les contestations vigoureuses adressées à tout sujet soupçonné d’être trop difficile. On peut noter les contradictions existant entre les diverses critiques des épreuves actuelles: trop faciles et stéréotypées pour certains, elles deviennent scandaleuses (parfois pour les mêmes personnes) dès qu’elles sont plus exigeantes.


Une mesure permettant de ne pas se limiter à l’évaluation des compétences opératoires consisterait à faire en sorte que la dernière question (ou les deux dernières) d’un problème reste systématiquement ouverte , c’est à dire que le résultat attendu ne soit pas donné. Le traitement de cette dernière question supposerait une compétence plutôt analytique car le candidat devrait d’abord s’engager, en choisissant ce qu’il entend démontrer. Placer la difficulté en fin de problème permet d’éviter les critiques portant sur le risque d’élimination excessivement sévère d’un candidat: un échec à la dernière question n’entraîne pas de pénalité supplémentaire.


Une autre méthode souvent évoquée est celle du QCM; le découpage très fin introduit par ce mode d’évaluation permet de "cibler" précisément les compétences évaluées, et de surcroît, la correction en est plus aisée que celle des sujets classiques. Faisant l’objet d’avis contradictoires, mais déjà présente dans le baccalauréat "arts appliqués", cette méthode pourrait être introduite à petites doses, partiellement et dans certaines séries à titre d’essai.

Évaluation et utilisation des TICE

Pour intégrer dans l’évaluation les compétences des élèves dans le domaine de l’utilisation de logiciels ou de calculatrices scientifiques en mathématiques (compétences qui font maintenant explicitement partie des programmes), le contrôle en cours de formation semble un outil bien adapté. S’agissant des ordinateurs, leur utilisation lors d’un examen ponctuel écrit présente des difficultés (problèmes d’organisation, problèmes matériels, sécurité, maintenance, obsolescence rapide des matériels et des logiciels, …). Pour ce qui concerne les calculatrices, la réalité de leur usage en mathématiques au baccalauréat est qu’à part des calculs numériques et des vérifications de tracé de courbes, elles apportent peu à la plupart des candidats (cf. le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale sur les copies de baccalauréat, programme de travail 1999-2000) ; en revanche, la possession d'une calculatrice très performante, munie de logiciels de calcul formel et symbolique, est un avantage pour le candidat qui sait l'utiliser.

La correction des copies

La correction fait systématiquement l’objet de barèmes établis par les concepteurs, dans le but de simplifier l'évaluation et de la rendre plus équitable. Une commission d’harmonisation, présidée par un IA-IPR lorsqu'il s'agit du baccalauréat, permet de préciser et de commenter le barème initial. Malheureusement, cette procédure de réunion d’une commission d’harmonisation, prévue par les textes, n’est pas systématiquement respectée. Les barèmes accentuent cependant un effet mécanique de l’évaluation: le découpage en très petites unités au moment de la lecture de la copie avantage l’évaluation de compétences opératoires au détriment de celle de compétences analytiques. Tous les correcteurs rencontrent des copies dont la note totale leur paraît exagérée car acquise par petits points « grapillés » comme l’on dit, tandis que la copie voisine, plus incomplète sans doute mais mieux structurée, leur paraît moins bien lotie.

Il est clair que l’on ne peut gagner sur les deux tableaux et qu’il vaut mieux d’abord essayer de garantir l’équité. Il est donc souhaitable de conserver l’usage de barèmes précis ; laisser une marge d’appréciation positive au correcteur pour les copies apparaissant au bout du compte comme globalement sous-notées serait judicieux dans certains cas.





Clubs et ateliers mathématiques




Il y a actuellement environ 200 clubs ou ateliers mathématiques recensés par l’association ANIMATH, dont 1/3 en lycées et 2/3 en collèges. Cette association dont le nom vient de « animation mathématique » a été créée en 1998 à l’initiative de la Société Mathématique de France, avec le soutien de l’Inspection générale, de l’APMEP, de l’assemblée des directeurs d’IREM, de la société de mathématiques appliquées et industrielles, de « Femmes et mathématiques » et de quelques autres organisations. Elle a pour but de développer les activités mathématiques périscolaires dans les établissements et de promouvoir le goût pour les mathématiques et pour la recherche. ANIMATH a mis en œuvre deux universités d’été à St FLOUR en 1999 et en 2001 sur le thème « Comment créer et animer un club mathématique en collège ou en lycée » destinées au professeurs de mathématiques. ANIMATH a aussi organisé trois « stages olympiques » à Orléans en 1999, au lycée Stanislas à Paris en 2000, près de Toulouse en 2001, pour des élèves de seconde et première. Un tutorat est également mis sur pied pour que de jeunes élèves bénéficient de l’aide bénévole d’élèves des écoles normales supérieures afin de les préparer aux olympiades internationales de mathématiques.


Les activités des clubs et des ateliers sont nombreuses et variées et parfois dépassent le cadre des mathématiques en allant vers d’autres disciplines.

Citons brièvement quelques exemples représentatifs d’activités (collège et lycée) :

Les activités de club complètent, pour des élèves volontaires, les activités liées au cours de mathématiques en mettant en évidence des facettes de notre discipline qui s’articulent entre elles : d’un côté des bases solides fondées sur des connaissances et la pratique d’un savoir faire, de l’autre une ouverture plus ludique et motivante destinée à démystifier et à donner confiance. À travers les activités de club, certains élèves découvrent un autre visage des mathématiques et y trouvent une motivation génératrice de succès ; d’autres élèves, déjà fortement intéressés par les mathématiques, peuvent y exercer leurs capacités dans un cadre libéré des programmes scolaires et de leurs contraintes. Pour tous, la liberté de choix et la déconnexion de l’évaluation traditionnelle sont facteurs de motivation et de réussite.


Le prolongement naturel des activités de clubs se trouve dans les compétitions mathématiques. Outre le concours général des lycées et les diverses compétitions régionales : rallyes, tournois, … il a été créé en décembre 2000 les olympiades académiques de mathématiques destinées aux élèves des classes de premières scientifiques ou technologiques. Dès la première session, au printemps 2001, la participation a été de plus de 6000 élèves, soit quatre fois plus qu’au concours général. Les sélections régionales ont été suivies d’un choix national des meilleurs élèves jugés sur leur travail face à 4 exercices à résoudre en 4 heures. Les résultats sont à la hauteur de l’attente.




Les olympiades internationales


Après plusieurs années de résultats de plus en plus décevants, le point le plus bas ayant été atteint en 2000 avec un 48e rang, l'équipe de France aux olympiades internationales de Mathématiques a obtenu en 2001 une place de 28e, encore relativement modeste, mais manifestement en voie d'amélioration. Nous espérons pour les années qui viennent une consolidation de ces résultats, montrant que les efforts actuellement engagés pour encourager l'apparition et le repérage de jeunes talents ne sont pas vains.






La pluridisciplinarité

Un peu d’histoire

On trouve sur la page de garde d’un manuel de 1756 le titre suivant :

« Eléments d’arithmétique, d’algèbre, de géométrie. Avec une introduction aux sections coniques : ouvrage utile pour disposer à l’étude de la physique et des sciences physico-mathématiques », par M. Mazéas, professeur de philosophie à l’Université de Paris et au collège royal de Navarre.


Sautons deux siècles. Avant la réforme dite des "mathématiques modernes" il était jugé utile de développer quelques applications dans les programmes de la discipline: cinématique, mécanique, cosmographie, voire géométrie descriptive.

En moins d'une génération celles-ci ont disparu de tous les niveaux d'enseignement en mathématiques, certaines ayant été confiées aux physiciens ou aux enseignants de technologie. Ceci a conduit à la formation d'une génération de professeurs manquant de l'habitude et parfois des connaissances de base nécessaires à une pratique professionnelle de l'interdisciplinarité. L’enseignement des mathématiques fait peu de place aux applications et produit une scolastique interne qui change selon les périodes. On a connu la « trinômite », les nombreux exercices sur la géométrie du triangle. Maintenant l’étude des fonctions données par une expression unique a submergé l’enseignement dans la plupart des classes de lycée, notamment dans le cadre de la préparation aux épreuves trop stéréotypées du baccalauréat.


La question de la liaison entre les programmes des différentes disciplines, et particulièrement entre les mathématiques et la physique, reste posée. Les autres disciplines scientifiques appellent l'usage de notions le plus souvent non abordées dans le programme de mathématiques car jugées trop complexes. Le décalage entre les niveaux d'abstraction nécessaires pour parler en mathématiques ou en physique d'un même problème (par exemple les équations différentielles du second ordre) tient pour une part irréductible à la différence des points de vue, mais se trouve accentué du fait, signalé ci-dessus, de la formation trop étroite des enseignants.


Dans les séries (séries technologiques, BTS entre autres) où l'enseignement reste contextualisé, la difficulté intrinsèque des notions mathématiques utilisées conduit le plus souvent à en donner une présentation sous forme de recettes, ce qui n'est certes pas mauvais pour une première approche, et reste opératoire en termes d'apprentissage, mais ne permet pas l'accès à une culture scientifique approfondie.


Les dernières évolutions des programmes, avec l'introduction de la statistique au lycée général, et l'introduction des TPE, comme le développement des pédagogies de projet (parcours pédagogiques diversifiés, travaux croisés, itinéraires de découverte au collège, projet pluridisciplinaire à caractère professionnel au lycée professionnel) signent la volonté affirmée de revenir vers des pratiques interdisciplinaires.


Vers plus de pluridisciplinarité

La pluridisciplinarité est à développer pour au moins deux raisons. D'une part elle est nécessaire au dialogue et à l'efficacité des contacts que, dans sa vie professionnelle notamment, chacun est amené à nouer avec des non-spécialistes de sa propre discipline de formation –l'ère des Pic de La Mirandole est sans doute passée- et d'autre part, pédagogiquement, les différents apprentissages se confortent l’un l’autre. Il est certain que l’efficacité de l’enseignement des mathématiques sera renforcée par la présence de liens visibles avec d'autres disciplines. Cela a déjà été observé, y compris en lycée professionnel, car cela donne du sens aux apprentissages et permet de répondre à la question : « Vos maths à quoi ça sert ? ».


Gérer la pluridisciplinarité est certes d’abord une question de programmes, mais aussi de pratiques. Pour ce qui est des programmes, les différents groupes d’experts travaillent d’une façon encore trop cloisonnée et les contacts entre les différents groupes arrivent trop tard. Du coup les éléments de pluridisciplinarité ont été mis au point dans la hâte, comme par exemple dans le traitement des équations différentielles dans le programme de terminale S. Le temps nécessaire à la mise en place de programmes consensuels réalisant un compromis entre les possibilités actuelles du corps enseignant et les nécessités affirmées par l'institution d'introduire l'interdisciplinarité a cruellement fait défaut, ce qui risque de se faire durement ressentir à l'usage. Il est possible d’avancer vers la pluridisciplinarité à partir de deux points de vue : recherche de l’origine des notions mathématiques et applications directes ou indirectes de celles-ci. Trop souvent les formations universitaires font l’impasse sur ces questions et une réflexion sur leurs programmes de formation continue et initiale est à ce sujet indispensable.


Pour ce qui est des pratiques, la présence des mathématiques dans les TPE, les itinéraires de découverte, et les PPCP, bien qu'elle pose à l'heure actuelle des questions délicates (déjà évoquées ci-dessus pour les TPE), est un point crucial dans la perspective d'une évolution favorable vers une meilleure prise en compte de a pluridisciplinarité .


Avec qui ?

On sait depuis longtemps quelles sont les disciplines concernées par les liaisons avec les mathématiques :

Avec ces différentes disciplines il est possible de proposer des harmonisations possibles de progression, des applications diverses et des sujets de travaux personnels encadrés (TPE) qui soient véritablement pluridisciplinaire.


Pour faire évoluer pratique et curricula augurons que l’expérience des TPE pourra servir de levier.

1 Présidée par Jean-Pierre Kahane

2 Par exemple les courbes du second degré dans le plan et leurs différentes approches, les isométries du plan et de l’espace, les modèles géométriques de l’algèbre linéaire, les objets simples de l’espace, la notion d’invariant, la mesure des grandeurs, le mouvement…

3 On peut noter la propension qu’ont les enseignants à classer dans « élèves en difficulté » des élèves qui rencontrent les difficultés habituelles et/ou attendues en abordant telle ou telle notion.

4 Disponible sur le site « éduscol »

5 ANDRÉ WARUSFEL, contribution à la réflexion sur les contenus disciplinaires en IUFM.

6 Ce point de vue s’accorde avec la circulaire n° 2001-150 du 27/7/2001 (B.O. n° 32 du 6/9/2001), qui évoque notamment le renouvellement et le développement de « compétences disciplinaires spécifiques ».

7 Voici à titre d’exemple les modules que l’IUFM de Lyon propose aux PLC2 :

8 Ce paragraphe est placé ici parce que, dans de nombreux cas, la participation aux activités de l’IREM relève, pour les enseignants du secondaire, du bénévolat.

9 Dans le manuel de terminale de la collection DECLIC, le petit théorème de Fermat est proposé en exercice : il s’agit de vérifier que p divise a p – a sur les trois exemples  (p, a) = (7, 2), (5, 6) et (11, 3) !

10 Dont les dispositions ne sont que très partiellement remises en cause dans la circulaire ci-dessus citée.

28